Bush légalise le traitement dérogatoire et controversé des terroristes
Le président américain George W. Bush a signé mardi une loi controversée autorisant les méthodes dures d'interrogatoire contre les suspects de terrorisme, leur détention dans des prisons secrètes à l'étranger et leur jugement par des tribunaux militaires.
"La loi que je signe aujourd'hui contribue à la sécurité de ce pays et adresse un message clair: ce pays est patient, il est honnête, il est juste, et nous ne reculerons pas devant les menaces contre notre liberté", a dit M. Bush avant de signer avec solennité le texte "à la mémoire des victimes du 11-Septembre".
Cette signature a ravivé l'indignation des organisations de défense des droits de l'Homme. Pour elles, la loi rompt avec la grande tradition américaine de protection de la dignité humaine.
La loi est déjà contestée devant le tribunaux. Environ 200 personnes ont manifesté devant la Maison Blanche au moment de la signature d'un texte qui "fait honte à l'Amérique" et une quinzaine d'entre elles ont été arrêtées, selon les organisateurs.
Pour la majorité républicaine de M. Bush, la loi tombe au contraire à point nommé. A trois semaines d'élections parlementaires qui paraissent de plus en plus incertaines pour elle, elle fait porter le débat sur la sécurité et peut le détourner de la guerre en Irak.
M. Bush a assuré que la loi "contribue à la sécurité du pays", qu'elle est "conforme à l'esprit et à la lettre de nos obligations internationales" et que "les Etats-Unis ne pratiquent pas la torture; c'est contraire à nos lois et c'est contraire à nos valeurs".
Grâce à elle, les hommes soupçonnés d'avoir "orchestré l'assassinat de 3.000 innocents vont être jugés", a-t-il dit. Parmi eux figure le cerveau présumé des attentats du 11-Septembre, Khalid Cheikh Mohammed.
M. Bush a insisté sur la préservation d'un "instrument vital", qui est aussi l'un des plus controversés aux Etats-Unis mais aussi à l'étranger: le programme d'interrogatoires menés par la CIA dans des prisons en dehors de ses frontières et recourant à des méthodes qui, selon leurs détracteurs, confinent à la torture.
Selon M. Bush, les informations extirpées à des gens comme Khalid Cheikh Mohammed ont protégé les Etats-Unis contre une nouvelle attaque.
Le programme est actuellement "en sommeil", selon l'expression de la Maison Blanche.
Cette dernière rechigne à parler des implications internationales. Mais elle a confirmé que la loi couvrait tous les aspects du programme révélé il y a quelques semaines seulement par M. Bush, donc les prisons secrètes à l'étranger, où la révélation de leur existence a suscité une vive émotion.
La loi prémunit les prisonniers contre les abus flagrants. Mais elle laisse à M. Bush un large pouvoir d'interprétation des règles internationales.
La loi dénie aux prisonniers les recours sur les conditions de leur détention.
Quelques semaines seulement après avoir annoncé le transfert au camp de Guantanamo de 14 des plus éminents suspects de terrorisme maintenus au secret pendant des années, M. Bush a souligné que ces hommes pourraient être jugés, grâce à la nouvelle loi, par des tribunaux militaires.
Des droits reconnus par la justice ordinaire leur sont refusés. La nouvelle loi n'exige pas le concours d'un avocat.
Mais M. Bush a assuré que ces tribunaux, dénoncés par la Cour suprême comme anticonstitutionnels en juin faute de législation obtenue entre-temps du Congrès, sont "légaux, ils sont justes, et ils sont nécessaires".
La procédure en vue des premiers procès ne devrait pas commencer avant "un mois ou deux au moins", a dit le porte-parole de la Maison Blanche Tony Snow.